Le Témoignage de Madame Françoise BUISSON

TÉMOIGNAGE

Madame Françoise BUISSON

J’ai lu le témoignage de Monsieur MANTOVANI sur votre blog, concernant son séjour au château de Villiers pendant la dernière guerre.

J’ai quelques informations qui peut-être vous intéresseront, elles ne sont pas contradictoires mais complémentaires. Il s’agit du point de vue d’adultes, c’est-à-dire mes parents. Je ne vous donne donc pas un témoignage direct mais ils ont assez souvent parlé de cette période pour que mes souvenirs soient assez proches de ce qui s’est passé. Par contre, la chronologie des événements ou des dates précises mes manquent.

J’ai des photos d’enfants au château de Villiers entre fin 43 et 1946, petites photos également, c’est mon père qui les développaient – et je peux vous donner les informations que je tiens de mes parents qui devant se cacher, étaient employés au château.

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Les enfants au château de Villiers

Mes parents nés en 1911 et 1914 vivaient à Paris avec mes deux frères, nés en 1932 et 1937.

Mon père était tourneur-outilleur, communiste, ayant des responsabilités à la CGT. Au moment du STO obligatoire en 1942, il s’est cru à l’abri du fait de son âge, mais son employeur – collaborateur – l’a inscrit par surprise et il a dû partir à l’improviste. Il ne voulait pas refuser pour laisser le temps à ma mère et mes deux frères d’aller se mettre à l’abri. Le refus de partir sanctionnant la personne elle-même mais le fait d’être communiste mettait toute la famille en danger. Il est parti pour quelques temps et ma mère (en accord avec lui) lui a adressé un télégramme l’informant d’un grave souci de santé chez mon frère. Cela lui a valu une permission un peu longue et il a pu s’organiser. Je pense qu’il est parti et revenu dans l’année 1943, les permissions systématiques ayant été suspendues du fait que les travailleurs ne revenaient pas !

Il est arrivé à la Ferté et à été pris en charge au Pont de Villiers par M. Auguste DelaporteHôtel Lion d’Argent (c’est maintenant une agence immobilière). Mr Delaporte procurait du travail aux clandestins (par exemple bucheron) qu’il hébergeait. Mon père était dans la mouvance de Rol-Tanguy. Je ne sais plus s’ils se connaissent avant, étant l’un et l’autre métallurgiste et à la CGT. Rol-Tanguy avait pris en charge la gestion du refus du STO de la Seine-et-Oise sud. Donc mon père a rejoint les FFI et est arrivé à la Ferté, chargé de garder, avec d’autres, les voies ferrées. Je pense que cela pouvait aller de Ballancourt à Malesherbes, en étant basé principalement à la Ferté.

Un moment, mon père a été embauché au château de Villiers comme homme d’entretien. Le château appartenait à la famille Herlicq et avait été réquisitionné pour accueillir des enfants de prisonniers et orphelins de guerre de la région parisienne. La directrice s’appelait Madame Archambaut. Après un temps, ma mère et mes frères sont venus également. Ma mère qui travaillait auparavant dans une crèche a été employée comme lingère. Mes parents disposaient d’une chambre et mes frères étaient avec les autres enfants.

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A droite ma mère et en short blanc, je crois, Mme Pegot, 1 enseignante. Les autres je ne sais pas.

Il y avait là à demeure au moins 4 enseignants (2 couples Archambaut de Pegot. Ces derniers avaient avec eux leur fillette et ont été nommés après la guerre à Mondeville). Je ne suis par certaine de l’orthographe des noms. Je ne sais combien de personnes vivaient là à demeure (10-12 ??). Le soir il y avait une grande tablée, les enseignants n’y participaient pas, ayant leur logement.

Des femmes venaient chaque jour de Cerny (peut-être de la Ferté) pour aider pour les cuisines, ménages, etc…La nourriture provenait d’aliments saisis sur le marché noir, les textiles, vêtements, chaussures étaient approvisionnés par les américains.

Le jour où les hommes de la Ferté ont été amenés au château en otage, la directrice a fait sortir tous les enfants et tout le personnel sur la grande pelouse, espérant qu’en cas de bombardement allié, on se rende compte de la présence d’enfants.

Le centre a perduré après la fin de la guerre, sûrement le temps de retrouver les familles et dispatcher les enfants. Personnellement, je suis née en mars 46, le dispositif était encore en place. Et encore en juin 46, date à laquelle la directrice avait mis à disposition de mes parents, une salle à manger pour le repas de mon baptême. Au dos d’un photo où je suis avec mon frère dans le parc du Château, ma mère a écrit : 5 mois, ce qui amène à aout 46.

Peu avant la libération mon père a reçu l’ordre de rejoindre Paris avec ses armes – qu’il détenait dans une chambre Place Carnot – pour participer à la libération d Paris. Il a été absent une semaine.

Mars 2019

Françoise BUISSON

Photographies: Mme Françoise BUISSON©droits réservés