Louis AUTRIVE – Un jeune soldat de 20 ans dans les tranchées pendant la guerre de 14 – 18

Louis, Augustin AUTRIVE

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Louis Autrive entouré de ses Compagnons

Louis Autrive est né le 4 décembre 1894 à Rainfreville

Soldat caporal du 8 septembre 1914 au 12 août 1917

2ème corps d’armée, 3ème division, 6ème brigade, 51ème régiment d’infanterie, 7ème compagnie, matricule : 2602 ( 2ème groupe d’aérostation).

Médaille militaire – Croix de guerre avec Étoile de Bronze (15 mars 1921)

Fait d’arme : Dans la nuit du 30 au 31 décembre 1915 – sort de la tranchée avec quelques camarades pour s’infiltrer à travers les lignes ennemies.

Blessé le 15 mai 1917 vers la Neuville (chemin des dames), hôpital de Rouilly 11 juin 1917 sortie le 28 juillet 1917.

Louis épousera Jeanne Leymarie le 21 Octobre 1920

Il décèdera le 19 Octobre 1968

Remarque : Ils étaient 4 frères, Louis, Eugène, Achille,  et ont tous fait la guerre de 14-18.

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Eugène Autrive, debout à droite

51ème Régiment d’Infanterie

En 1914 ; Casernement : Beauvais ; 6e Brigade d’infanterie; 3e Division d’infanterie; 2e Corps d’Armée

A la 3e DI d’août 1914 à nov. 1918

4 citations à l’ordre de l’armée et 1 citation à l’ordre du corps d’armée, fourragère jaune

 1914 Ardennes (début août) : Stenay, Tintigny, Rossignol, Villers le Loue, Meix      La retraite des 3e et 4e Armées : Cesse, Buzancy (27 août) puis Dommartin, Blesme

Bataille de la Marne (5 au 13 septembre) : Scrupt, St Lumier, Possesse, Verrières  puis  La Harazée, Vienne    Argonne (oct.-jan.15) : cote 176

1915 Opérations du 2e corps en Argonne, forêt de Servon (janv.)    Champagne : Ravin des Cuisines, cote 196 (mars)

Woëvre : Marcheville, tranchée de Calonne (avril)   Bataille de Champagne : Tahure, butte de Tahure (sept.-oct.)

1916 Woëvre (jan.-juin) : Rupt, Génicourt, Trois Jurés     Bataille de la Somme : Belloy en Santerre (juil.-août)  puis bois de St Eloi, Belloy (sept.)   puis Berny en Santerre (déc.)

1917 Chemin des Dames : Mont Spin, La Neuville, Le Godat (avril-mai)    Verdun (juil.) : cote 304   Verdun (août à jan.18) : ruisseau des Forges et cote 304

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Achille Autrive

La Bataille  de  la  Marne

 

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Du 6  au 13  septembre 1914

On a dit que la lutte allumée le 6 septembre au matin, de Paris à Verdun, ne fut pas une bataille unique, mais une série de batailles que chacune des armées mena pour son compte particulier, avec ses propres moyens ou grâce à l’appui des armées voisines, suivant les con­ceptions de chaque chef, l’inspiration et la valeur de chaque combattant.

Rien n’est plus inexact. La bataille de la Marne est un tout admirablement ordonné dont l’immensité seule empêche d’embrasser l’ensemble d’un seul coup d’œil.

L’avancée allemande

Le coup de boutoir de Guise paraît avoir désorienté le Haut Commandement allemand.

L’extrême-droite, l’armée von Klück qui, jusqu’au 30 août, marchait à grandes journées vers le sud-est, vers Paris, et était arrivée sur la ligne Amiens-Moreuil-Hangest en Santerre-Roye, fait un crochet, le 31, et se dirige sur Compiègne et Meaux.

L’affaire de Guise a prouvé qu’il ne saurait encore être question d’enlever Paris, mais qu’il faut, à tout prix, mettre hors de cause cette 5e armée française qui a eu assez de vigueur pour faire reculer la Garde.

Joffre ne sait rien de ce changement de plan.

Cependant, dès le 1e septembre, dans son Instruction générale, il dessine le cadre de la situation stratégique dans laquelle il compte, bon gré malgré, et quoi qu’il arrive, enfermer l’adversaire.

Avant tout, un cruel sacrifice s’impose : l’abandon délibéré à l’invasion d’une large zone du territoire national. Il faut, en effet, soustraire l’aile gauche de la 5e armée à l’enveloppement dont Klück la menace et reconquérir sa liberté de manœuvre en gagnant du champ.

On reculera donc on pivotera à droite sur le point fixe de Verdun et, par une vaste conversion, nos armées seront amenées, s’il le faut, jusque sur la ligne Pont sur Yonne-Nogent sur Seine-Arcis sur Aube-Bar le Duc, ligne sur laquelle les envois des dépôts et des arsenaux permettront la préparation d’une offensive décisive.

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Eugène Autrive

Qui ne voit le piège ?

Tout pas en avant va mettre l’ennemi dans une situation stratégique défavorable. S’il veut attaquer les grands camps retranchés de Paris et de Verdun qui appuient les ailes de la ligne française, il affaiblit son centre et l’expose à une attaque de rupture. S’il néglige ces camps retranchés pour attaquer la ligne française, il expose ses flancs à une double manœuvre enveloppante préparée à l’abri des forteresses

Trois dispositions rendent possible l’exécution de ce plan

1*  Verdun reçoit une garnison qui lui permettra de soutenir un siège;

2* Une 9e armée est créée, formée d’éléments puisés dans la 4e armée (9e et 11e Corps, 52e et 60e divisions réserve, 9e division de cavalerie) et dans la 3e armée (42e division)

Le général Foch la commandera et viendra l’intercaler entre les 4e et 5e armées, pour fortifier notre centre

3* Joffre demande et obtient que le camp retranché de Paris soit placé sous son commandement afin que l’unité de direction soit assurée sur ce point décisif.

Paris n’est pas encore en état de se défendre, mais on y travaille avec ardeur. Des milliers de travailleurs s’emploient à creuser des tranchées, à construire des épaulements, à créneler des murs. La garnison, nombreuse, est à pied d’œuvre ou va y être.

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Dessin de Georges Hautot

De notre côté, le plan est simple : l’aile gauche (6e armée, armée anglaise, Corps de cavalerie, 5e armée) et l’aile droite (3e armée) ont mission d’envelopper les deux ailes de l’ennemi ; le centre (9e et 4e armées) doit résister à outrance à tous les assauts.

Le 8 septembre,

la lutte continue avec la même violence. A gauche, décimée, la 42e division, qui va succomber à La Villeneuve, est dégagée par une puissante intervention du 10e Corps, de l’armée Franchet d’Espérey; au centre, le 9e Corps recule sur Mondement; à droite, le 11e Corps doit abandonner Fère-Champenoise et la 6oe division se replie sur Mailly.

  9 SEPTEMBRE

Bülow et Hausen se ruent contre Foch dans un suprême assaut. Les nôtres résistent magnifiquement et l’appui du 10e Corps de l’armée Franchet d’Espérey permet à la 51e division qui a perdu Saint-Prix, de conserver Soizy.

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Dessin de Georges Hautot

10 SEPTEMBRE

9e armée.

Foch s’est mis à la poursuite de l’ennemi, dès 5 heures du matin, sans éprouver de résistance.

A Fère-Champenoise, on a capturé de nombreux officiers et soldats allemands ivre morts, qui n’ont pu suivre leurs unités. Le soir, on rencontrait l’ennemi sur la ligne Morains-Normée-Lenharrée; mais comme l’artillerie n’a pu suivre l’infanterie, en raison du mauvais état des chemins, Foch juge inutile de tenter une attaque.

Si cette position tient encore demain matin, elle sera tournée et enlevée sans pertes

L’ivresse des vainqueurs de la Marne, « sauveurs du Monde », ne fut pas de longue durée.

Dès le 13 septembre, sous la pluie qui ne cesse pas, et qui, changeant les routes en fondrières,

ralentit la marche de l’artillerie et des convois, la ligne de nos armées s’est déjà partout heurtée de proche en proche à une solide résistance.

La 6e armée est engagée devant Soissons ; l’armée anglaise est arrêtée sur l’Aisne ; la 5e armée au nord de Reims; la 4e entre Chalons et l’ Argonne ; la 3e aux abords nord du camp retranché de Verdun. L’ennemi s’est réapprovisionné en munitions et a reçu d’importants renforts.

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Dessin de Georges Hautot

La course à la mer !

Cette image pittoresquement évocatrice sera conservée par l’histoire pour désigner la série d’opérations qui fait suite à la bataille de la Marne et aboutit à la stabilisation du front, à l’enfouissement des armées adverses en 2 réseaux démesurés de tranchées, étranges citadelle sinueuses dont la menace réciproque va se prolonger près de quatre années.

L’état major allemand cherche à tourner notre gauche et nous cherchons à déborder la droite ennemie. Du développement de ces efforts rivaux va résulter une lutte de vitesse qui a la fin d’octobre, étirera jusqu’à la mer du Nord une ligne de feu ininterrompue.

Comme un incendie qui s’étend progressivement sur la campagne, la bataille monte ainsi des collines de Picardie aux plaines d’Artois et aux canaux de Flandres.

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Citation de Louis Autrive à l’Ordre du Régiment.

La course à la mer   –  La Bataille des Flandres

(18 octobre – fin 1914)

Contre les dix huit corps d’armée et les quatre corps de cavalerie de notre adversaire, il s’agit d’envoyer des forces toujours plus nombreuses et des armes toujours plus destructives. Pendant un mois et demi, le chemin de fer et l’automobile règnent en maîtres. Mais notre Commandement va montrer tant d’activité, de décision et de justesse de vue qu’il réduira à l’impuissance la diligence pourtant prodigieuse des masses germaniques..

A la fin d’octobre, la sécurité de l’armée française dans le Nord ne paraît plus douteuse, mais Foch n’est véritablement rassuré qu’à l’arrivée de la 42e division, puis du 9e corps d’armée. Ces forces montent au nord de la Lys, dernière étape de la course à la mer, et viennent étayer nos alliés belges et anglais.

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Dessin de Georges Hautot

Cette fin d’octobre 1914 va amener là le plus formidable duel de l’Histoire.

Le marin de Bretagne, le poilu de Paris et des provinces y fraternisent avec le goumier basané du Sahara et le Sikh de l’Inde à l’aspect hiératique sous son énorme turban kaki.

L’écossais aux jambes nues y est devenu le compagnon d’armes du Bambara soudanais aux joues tailladées.

Le marocain à l’œil d’escarboucle voisine, dans la tranchée, avec le carabinier wallon ou le mitrailleur flamand au regard placide et bleu.

La Bataille d’YPRES 

La poussée ennemie fait reculer en même temps les territoriaux de Bidou et les cavaliers de Mitry. Haig juge alors prudent de différer son offensive; Et, durant deux jours, il ne peut résister que difficilement à de fougueuses attaques, tandis que, se reliant à Dixmude, Mitry forme barrière au nord.

Mais Foch, ainsi que French, croit à l’opportunité d’une offensive dans le Nord, car il a appris que les Allemands avançaient avec lenteur et qu’ils étaient sur le point de manquer de munitions.

De plus, en cas de repli, la retraite dans la région d’Ypres serait si difficile qu’il n’était que prudent de porter la bataille plus en avant. Tandis que notre 9e corps (général Dubois) progresse sur Passchendaele, Mitry reprend Bixschoote (37e RI).

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Dessin de Georges Hautot

Mais l’ennemi riposte si vigoureusement que c’est tout juste si, le 24, nous avançons d’un kilomètre. Trois jours après, les rangs ennemis se grossissent d’une partie des forces chassées par l’inondation.

Jusqu’au 6, une sorte d’accalmie persista. Puis ce fut un déchaînement effroyable d’artillerie.

L’élite allemande allait tenter la ruée suprême, car la Garde prussienne, commandée par le général von Plattenberg, entrait en ligne.

Huit jours durant, un véritable raz de marée essaya de submerger nos positions. Trois divisions françaises étaient arrivés à temps pour renforcer les troupes alliées sur les points faibles.

A l’est d’Ypres, les corps Dubois, Balfourier et Haig soutinrent victorieusement le choc. Le 9e corps, aidé par les divisions territoriales de Bidou et la cavalerie de Mitry,

résista vaillamment aux efforts de trois corps allemands qui avaient été lancés, quelques jours auparavant, sur l’Yser, et déjoua ainsi leur intention de nous tourner par le nord.

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Dessin de Georges Hautot

C’est au cours de ces luttes sans merci que se place un sublime épisode, qui restera dans les mémoires françaises comme un pendant de la mort héroïque de d’Assas. A Drie Grachten, une colonne allemande se porte à l’attaque d’un pont défendu par le 1e zouaves.

Elle pousse lâchement devant elle des zouaves faits prisonniers. Un instant interdits devant ce spectacle, nos soldats suspendent leur tir. Mais un cri part soudain du groupe des prisonniers, voués à la mort: « Tirez donc, nom de Dieu, ce sont les Boches! »

Les défenseurs du pont répondent par une décharge qui couche à terre, avec les Allemands, les zouaves héroïques à jamais inconnus

La seule bataille d’Ypres coûtait à l’ennemi plus de cent cinquante mille hommes.

Mais ce qui restait de la Belgique était sauvé. Dunkerque et Calais voyaient s’évanouir la menace qui pesait sur eux. L’invasion se trouvait solidement endiguée dans une France délivrée. La victoire des Flandres continuait la victoire de la Marne

La guerre de mouvement était terminée pour longtemps, et toujours face à face les deux armées allaient se stabiliser pendant longtemps dans les tranchées.

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Livret Militaire de Louis Autrive
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Livret Militaire de Louis Autrive
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Livret Militaire de Louis Autrive

La reprise de l’offensive

fin 1914-début 1915

Le front est stabilisé de la mer du Nord à Belfort et les deux adversaires, enfouis dans le sol, recueillent leurs forces en attendant de reprendre l’offensive: Il faut essayer de trouver le point faible de l’organisation défensive adverse pour tenter la percée qui doit permettre de reprendre les opérations en terrain libre.

La température devient extrêmement rigoureuse; les nuits sont froides et d’épais brouillards empêchent, dès le matin, les réglages d’artillerie.

Au 9e corps d’armée, le 77e régiment d’infanterie, malgré un feu violent, s’empare de trois cents mètres de tranchées, qu’il conserve, au sud du château d’Herentage.

Mais, partout, les organisations ennemies sont puissantes; le sol marécageux des Flandres est un océan de boue, dans lequel nos soldats enfoncent jusqu’aux genoux.

en Argonne un secteur situé entre la vallée de l’Aisne, à l’ouest, et la route Les Islettes – La Chalade, à l’est, n’a reçu pendant cette période, qu’une mission purement défensive.

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Dans les journées du 30 et du 31 décembre, les réactions allemandes, particulièrement acharnées, nous firent craindre une percée de l’ennemi sur le flanc droit de notre 4e armée.

En effet, le 30, après l’explosion de plusieurs fourneaux de mines, l’ennemi bousculait un bataillon du 73e régiment d’infanterie et tournait un bataillon du 72e ; nos réserves parvenaient pourtant à reconquérir du terrain.

Mais le 31 décembre, tandis que nous reprenions l’offensive pour réoccuper les tranchées perdues, l’ennemi nous ré-attaquait  avec une violence croissante.

En Champagne 

Le général de Langle se résolut à porter tout son effort sur le front d’environ huit kilo­mètres, tenu par les 1e et 17e Corps, entre le fortin de Beauséjour et le bois à l’ouest de Perthes.

Cette action, qui visait à la rupture totale des lignes allemandes, devait être appuyée, à gauche, par une opération de la 60e division sur le bois Sabot, tandis qu’aux deux ailes, le 12e Corps à gauche et le Corps colonial à droite, maintenant l’invio­labilité du front, tiendraient l’ennemi sous la menace constante d’une attaque pour éviter le glissement des réserves sur la zone principale du combat.

Malheureusement le dégel qui, à plusieurs reprises, succède à une température très basse, détériore tranchées et boyaux, et rend la plupart des routes impraticables.

D’autre part, les Allemands se montrent vigilants et même agressifs sur le front de la 4e armée.

Le 4 mars, l’action énergique des 51e, 120e et 128e régiments d’infanterie et du 9e bataillon de chasseurs.

Un bataillon du 51e régiment d’infanterie et un bataillon du 87e étaient rejetés, dès 10 heures, sur notre troisième ligne, à hauteur de Fontaine Madame, où nous parvenions à grande peine à nous accrocher.

Des attaques locales, très meurtrières, nous permirent, peu à peu, de refouler l’ennemi par des travaux à la sape.

En résumé, les opérations de l’hiver 1914­ 1915 ont donné des résultats sérieux. Si le front ennemi n’a pas été crevé, nous avons enlevé d’importantes posi­tions, surtout en Champagne et nous avons infligé aux Allemands des pertes sévères.

Notre activité a obligé l’ennemi à restreindre les prélèvements de forces à destination du front oriental, et nous avons facilité la prise de Przemysl où les Russes entraient le 23 mars.

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Hôpital Militaire à La Ferté Alais

En outre, ces attaques ont contribué à déterminer la mé­thode à suivre dans les offen­sives futures, en nous montrant la nécessité d’augmenter nos moyens matériels, si nous voulions obtenir des succès plus décisifs.

Lorsque les opérations sur le front de Cham­pagne eurent nettement montré que, dans cette région, nous ne pouvions obtenir de succès importants, le Haut Commandement français son­gea à utiliser ses disponibilités pour une action offensive en Woëvre.

La journée du 11 avril est con­sacrée à la préparation de l’attaque du front Marcheville-Maizeray ; l’artillerie exécute des tirs de destruction sur les réseaux.

A la 3e division, l’attaque est menée par le 51e régiment d’infanterie qui marche, par batail­lons accolés, sur Marcheville et les hauteurs qui bordent le Longeau au nord-ouest.

La première vague d’assaut est prise sous un formidable tir de barrage ; Atteints par des coups trop courts de 75, nos fantassins doivent se terrer.

Leur pro­gression est impossible.

Dans la nuit, les patrouilles vont reconnaître l’état des fils de fer et des parapets ennemis. La préparation d’artillerie a lieu dans des conditions satisfaisantes, et à 15 heures l’attaque est lancée. Les 51e et 87e régiments d’infanterie parviennent jusqu’aux réseaux; un bataillon pénètre même dans les tranchées allemandes, mais il en est chassé par une très forte contre-attaque.

LE CHEMIN DES DAMES…….L’ARTOIS……..

LA CHAMPAGNE

Les Offensives d’avril 1917

L’affaire du Chemin des Dames est dans toutes les mémoires. C’est sans doute le théâtre d’un des drames les plus effroyables de la Première Guerre mondiale.

Une offensive française, lancée le 16 avril 1917 sur l’Aisne, aboutit à la perte de plus de 100 000 hommes en quelques jours, et cela sans résultat notable, sinon un petit gain de terrain et l’usure de l’ennemi.

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Hopital-militaire-1916-la-ferte-alais

Héroïques, les unités engagées sur le champ de bataille, ainsi que sur les monts de Champagne tout proches, se rendirent compte qu’elles avaient été envoyées au casse-pipe et que la percée promise par le général Nivelle, successeur de Joffre à la tête des armées françaises, était irréalisable, en raison des défenses allemandes imprenables et de l’inaptitude des moyens techniques français.

Qui est responsable de ce carnage et de l’échec de cette offensive ( qui ouvre les portes du Q G à Pétain) ?

Une commission d’enquête fut constituée par le gouvernement pour examiner le cas des quatre généraux limogés : Nivelle, Mangin, Micheler, Mazel. Mais les Poincaré, les Briand, qui avaient choisi Nivelle, les Ribot, les Painlevé qui l’avaient laissé faire n’étaient-ils pas aussi coupables ?

Prélude

Le Chemin des Dames est situé sur une lanière du plateau qui s’étire sur une vingtaine de kilomètres d’ouest en est. Elle constitue une barrière naturelle qui domine les vallées de l’Ailette au nord de l’Aisne au sud d’une centaine de mètres. Ses versants festonnés et abrupts sont percés par les vastes galeries des anciennes carrières de pierre.

Cette crête, façonnée par la nature et les hommes, a gardé les traces de l’Histoire, de Jules César au Général de Gaulle, en passant par Jeanne d’Arc, les filles de Louis XV (les Dames du Chemin) et Napoléon. Mais ce sont surtout les terribles combats de la Guerre 1914-1918 qui sont associés au Chemin des Dames. Son site et ses carrières souterraines en font une véritable forteresse devenue un des lieux les plus sanglants de la Grande Guerre en particulier lors de l’offensive meurtrière du 16 avril 1917.

Jusqu’en 1917, le front est stable. Les unités allemandes transforment le Chemin des Dames en une véritable forteresse. C’est cette forteresse que les troupes françaises vont essayer de reprendre.

Pour tenter de percer le front, le général NIVELLE, commandant en chef des armées françaises du nord et du nord-est, lance une grande offensive le 16 avril 1917 sur l’ensemble du Chemin des Dames. Malgré une préparation d’artillerie très importante et l’engagement des premiers chars d’assaut français à Berry-au-Bac, cette opération est un échec coûteux.

Le général NIVELLE s’obstine à une relance les 4 et 5 mai 1917. Au prix de pertes considérables, les troupes françaises reprennent Craonne et le plateau de Californie.

Les poilus français avaient placé beaucoup d’espoir dans cette offensive qui devait constituer un tournant décisif dans le déroulement de cette guerre. La réalité de son échec et trois ans au front eurent raison de leur moral.

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LE CHEMIN DES DAMES

Les derniers préparatifs

Au front, depuis que l’offensive avait été décidée, on la préparait.

Depuis les premiers jours de janvier, le Grand Quartier Général multipliait les recommandations d’ordres technique et tactique concernant l’abordage des positions ennemies, le débouché des colonnes, les mesures à prendre contre l’encombrement et l’entassement des troupes, la mobilité des unités, l’organisation des transports, des ravitaillements et du Service de Santé.

Après le terrible hiver qui avait paralysé tous les efforts, la préparation matérielle avait repris avec une activité prodigieuse.

Il fallait développer les voies de communications : on construisit 310 kilomètres de voies ferrées normales; 20 kilomètres de voies métriques, 308 kilomètres de voies de 60 centimètres, et 25 kilomètres de routes pour piétons et voitures, avec élargissement des routes existantes sur un trajet de 155 kilomètres; 22.000 hommes furent affectés à ces services, avec un matériel de 45000 wagons qui transportèrent des baraquements, des bois pour les abris et les tranchées, des fils de fer, des tôles, etc.. ;

752 sections de voitures automobiles, mises à la disposition des Armées le 15 avril, avaient une puissance de transport de 120.000 hommes, 21000 blessés, 18.250 tonnes de matériel, 1.680 tonnes de cailloux, 182 tonnes de viande.

Pour l’alimentation, le Groupe d’Armées de Réserve fut approvisionné pour un effectif de 40 divisions, à huit jours de vivres d’avance et trois jours de vivres de réserve.

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Le Service de Santé avait fait de larges prévisions au sujet des évacuations et des hospitalisations. Le G. A. R. disposait de six hôpitaux d’évacuation, chacun de 3000 lits, et, en plus, de 60000 places d’hospitalisation.

Au point de vue de l’artillerie et des munitions, jamais encore une pareille accumulation de moyens n’avait été effectuée. Le Groupe d’Armées de Réserve pouvait étaler, sur un front de 40 kilomètres, 5.343 pièces, dont 1930 de gros calibre, en canons lourds à tir rapide du plus récent modèle.

Le stock des munitions était considérable. Voici quelques chiffres : pour le 75 plus de 23 millions; pour le 120, près de 2 millions; pour le 155, 3500.000 ; pour le 220, 300.000 ;pour le 280, 27.000; pour le 320, 37.000 coups.

Le 7 avril, les Armées étaient approvisionnées à sept jours de feu. En prévision de la marche en avant, des dépôts intermédiaires de munitions avaient été installés aussi près que possible du front.

L’armement de l’infanterie avait été largement perfectionné. Chaque bataillon disposait de huit mitrailleuses, et un approvisionnement était constitué. Chaque compagnie avait huit fusils-mitrailleurs; et dans les divisions d’exploitation comme dans celles chargées des fronts défensifs, ce chiffre était doublé.

Enfin, pour la première fois, les chars d’assaut, surnommés les tanks, devaient prendre part à l’attaque en grand nombre. Deux groupements furent mis à la disposition de l’Armée.

Quant à l’aviation, trois groupes de combat, formant un total de 220 avions, étaient à la disposition du commandant du Groupe d’Armées de Réserve.

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Monsieur Paradis

L’ordre de bataille

L’ordre de bataille du Groupe d’Armées, commandé par le général Micheler, était celui-ci

Groupe d’Armées de Réserve : général Micheler.

5e Armée : général Mazel.

1e CA, général Muteau (1e, 2e, 51e et 162e DI.);

5e CA, général de Boissoudy (9e, 10e et 125e DI.);

7e CA, général de Bazelaire (14e, 37e et 41e DI.);

9e CA., général Niessel (17e, 18°et 152e DI.); Arrivé à la 5e Armée le 17 avril

32e CA, général Passaga (4e, 42e, 69e et 155e DI.);

38e CA., général de Mondésir (151e, 66°, 89e DI.) et 6e DC. du général Mesple;

6 Armée : général Mangin

1e CAC, général Berdoulat (2e et 3e DIC.);

20 CAC, général Blondlat (10° et 15e  DIC. et 38e DI.);

6e CA, général de Mitry (120e, 56e, 127e et 166e DI.);

11e CA, général de Maud’huy (21°, 22e, 133e et 168e DI.);

20e CA, général Mazillier (11e, 39e et 153° DI);

97e DI, 158e DI et 5e DC du général Brécard.

10e Armée : général Duchêne.

2e CA, général de Cadoudal (3e, 4e et 46e DI.);

3e CA, général Lebrun (5e, 6e et 47e DI.);

18e CA, général Hirschauer (35e, 36e et 154 DOI);

1e CC, général Féraud (1e et 30 DC.);

2e CC, général de Buyer (2e, 4e et 7e DC).

De plus, la 4e Armée, sous les ordres du général Anthoine, laissée sous le commandement supérieur du général Pétain, chef du Groupe d’Armées du Centre, s’ajoutait aux divisions d’offensive du Groupe d’Armées de Réserve.

4e Armée : général Anthoine.

8° CA, général Hély-d’Oissel (16e, 34e, 128e et 169° DI.);

10e CA, général Vandenberg (9e, 2e et 131e DI.);

12e CA, général Nourrisseau (25e, 24e et 60e DI.);

17e CA, général Dumas (33e et 45e DI. et DM.) ;

et les 15e, 74e, 55e et 132e DI.

Le moral des combattants

Au point de vue matériel, tout semblait donc bien préparé. et rassemblé pour donner les meilleurs résultats. Cependant l’énorme machine n’était peut-être pas mise tout à fait au point.

Au moral, la situation était la même. Tout était prêt pour la victoire; si elle venait, on saurait l’exploiter avec enthousiasme, sinon de mauvais éléments prendraient le dessus.

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Le Feu – L’oeuvre

Les troupes, aussi bien françaises qu’alliées, étaient pleines d’ardeur et d’élan. En bonne forme physique, à la suite d’une longue période d’instruction et de repos, elles faisaient preuve d’un merveilleux souffle patriotique, d’un grand esprit de sacrifice, et surtout d’une magnifique foi en la victoire, malgré qu’elles se rendissent bien compte de la difficulté de leur tâche.

Malheureusement, les hésitations et les querelles de l’intérieur avaient ébranlé leur confiance en l’offensive, et d’autres germes malsains avaient été semés, apportés de l’intérieur par les tracts que les partis révolutionnaires répandaient à foison, et par les permissionnaires. Ceux-ci, durant leur congé, avaient constaté la différence de vie des ouvriers d’usine, et revenaient de chez eux énervés ou découragés.

En somme, après deux années d’union sacrée, bien que le front eût conservé son état d’esprit sublime, les mauvaises influences que l’intérieur laissait apparaître faisaient petit à petit la tache d’huile, et menaçaient de tout contaminer.

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Dessin de Georges Hautot

Le général Nivelle, dans une lettre du 28 février, avait signalé au Ministre de la Guerre les faits de menées pacifistes contre lesquelles il demandait des mesures sérieuses. Il attirait l’attention sur « l’épidémie » des tracts, sur les mauvaises influences dont on entourait les permissionnaires, sur l’action de quelques meneurs L’atmosphère politique d’alors était chargée d’électricité.

Le Gouvernement ne voulut pas faire éclater l’orage.

Plan définitif de l’attaque

Quoiqu’il en soit, le plan définitif de l’offensive était arrêté le 5 avril, et indiqué de cette façon à toutes les forces qui devaient agir

1e Rupture.

Les Armées britanniques feront brèche dans le front ennemi entre Givenchy et Quéant. Leurs réserves seront poussées en direction de Cambrai et de Douai, tandis qu’une opération latérale rapide sera entreprise à la fois vers le Nord, en arrière du front Lens La Bassée, et vers le Sud Est, en prenant à revers la ligne Hindenburg.

Le Groupe d’Armées du Nord attaquera les positions avancées adverbes à l’ouest et au sud de Saint-Quentin, puis le front Harly-Alaincourt, en liaison à gauche avec la 4e Armée britannique, à droite avec le Groupe d’Armées de Réserve.

Le Groupe d’Armées de Réserve développera ses attaques initiales sur le front primitivement fixé et en direction de Guise, Vervins et Hirbon.

Le Groupe d’Armées du Centre coopérera, par sa 4e Armée, à l’attaque du précédent, en prenant l’offensive à l’ouest de la Suippe, qu’il bordera après l’enlèvement du massif de Moronvilliers.

L’Armée belge rompra le front ennemi dans les régions de Steenstraat et Dixmude.

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Achille Autrive, frère de Louis

2e Exploitation.

Armée britannique : Après la prise de Cambrai et de Douai, marcher sur Valenciennes, puis sur Mons, Tournai et Cambrai, en liaison avec l’Armée belge qui se portera sur Roulers et Gand.

Groupes d’Armées du nord: Se rendre maître des voies ferrées partant d’Hirson vers Cambrai, Valenciennes et Maubeuge.

Autres Groupes d’Armées : Conquête de toute la boucle de l’Aisne, puis de la région comprise entre la Meuse, la Sormonne et l’Oise.

Le Général en chef avait fixé au 8 avril le début des opérations :

Les Anglais, sur le front Arras-Vimy devaient, les premiers, entrer dans la fournaise. Les autres attaques devaient s’échelonner jusqu’au 14.

Comme le mauvais temps contrariait les réglages on envisagea un délai.

Le maréchal Haig insista pour qu’on ne reculât point davantage.

Le 9 avril, à 5h30 du matin, les forces britanniques (anglais et canadiens) sur un front de 40 kilomètres, d’Arras a Lens et du bois d’Havrincourt aux abords d’Ancres, s’élancèrent en masses considérables et remportèrent un très beau succès au nord d’Arras. Elles avaient enlevé Thélus et la crête de Vimy et atteint la lisière de Givenchy-en-Gohelle. 11000 morts…..

Vers Saint-Quentin, elles avaient chassé l’ennemi des hauteurs entre le Vergnier et Hargicourt. Dans la direction de Cambrai, elles avaient gagné Humières, Deniécourt et Boursier.

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Dessin de Geroges Hautot

Ainsi les Anglais devenaient maîtres du plateau dominant la vallée de la Scarpe et de la route de Douai. Ils avaient fait plus de 13.000 prisonniers et enlevé plus de 100 canons, ainsi que plusieurs centaines de mitrailleuses. C’était un début d’heureux augure.

Notre offensive devait commencer à son tour le 14. Les pluies persistant, le général Mangin demanda quelque répit. La date définitivement choisie fut celle du 16 avril.

Malheureusement, dans l’attente du grand jour, tandis que des deux côtés on se livrait à des coups de mains pour sonder les intentions de l’ennemi, un sous-officier porteur du plan d’engagement de son bataillon, sur le front de la 5e Armée, se laissa prendre.

Ce document, hélas, indiquait aussi le dispositif d’ensemble, l’ordre de bataille des troupes opérant au nord de l’Aisne et même les objectifs assignés aux Corps d’Armée voisins.

Il était trop tard pour rien changer. On dut se contenter d’essayer d’en neutraliser les résultats en envoyant des renseignements faux au moyen de messages téléphonés, destinés à être interceptés par les Allemands.

Le grand jour était arrivé.

Le 15 au soir, le général Nivelle faisait communiquer à toutes les troupes l’ordre du jour suivant :

« Aux officiers, sous-officiers et soldats des Armées françaises. L’heure est venue. Confiance, courage et vive la France ! »

LE CHEMIN DES DAMES

L’offensive

Journée du 16 avril

Le 16 avril, à 6 heures du matin, l’offensive commença. Après une préparation d’artillerie de neuf jours, avec un élan magnifique, exaltés par la plus sincère foi patriotique, les troupes françaises se ruèrent à l’assaut.

Le terrain était difficile.

Depuis la bataille de la Marne, l’ennemi y demeurait accroché: il en connaissait tous les avantages, l’escarpement des coteaux, la profondeur des creutes, l’abri des crêtes et l’obstacle des cours d’eau.

Le champ de bataille s’étendait du massif de Saint-Gobain à l’ouest, aux forts de Reims à l’est, et la montagne avec la ville de Laon en formaient le centre.

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Louis Autrive

Nous avons vu que c’était aussi le premier but.

Au nord de l’Aisne s’élève un plateau, limité par des falaises et dont l’extrémité orientale, en forme de promontoire, porte le village de Craonne.

Une route, le Chemin-des-Dames, suit les sommets des plateaux de Craonne à La Malmaison, au nord-ouest de Soissons.

Elle marquait la ligne de défense allemande, qui se poursuivait à l’ouest sur les coteaux boisés de Vauclerc, de Cerny et de Bray.

Deux forts que nous avions évacués sans combat, en 1914, Condé et La Malmaison, étayaient cette ligne.

Le débouché de l’attaque, s’effectua presque partout facilement; le barrage allemand fut en effet ou tardif ou peu dense.

Notre préparation et nos tirs de contre-batteries avaient neutralisé l’artillerie adverse.

Par contre, dès le début de la progression à travers les organisations ennemies, notre infanterie se trouva battue par de nombreuses mitrailleuses établies soit en plein champ, soit sous des abris qui avaient échappé à notre artillerie ; une infanterie allemande très nombreuse garnissait la première position sur laquelle il était visible que l’adversaire entendait résister avec acharnement.

A la fin de la matinée, au cours de combats très durs, la 5e Armée avait marqué deux succès importants; à droite (7e Corps d’Armée) elle s’était emparée de Courcy (125e RI), Loivre et Berméricourt; au centre (32e Corps d’Armée), elle avait pénétré dans la deuxième position entre l’Aisne et la petite rivière de la Miette.

Partout ailleurs, elle n’avait pu que prendre pied dans la première position ennemie ; devant le plateau de Craonne, le 5e Corps d’Armée avait presque complètement échoué.

Du côté de la 6e Armée, les 2 Corps colonial et 20e CA. réussirent à s’installer sur la crête du Chemin-des-Dames, mais sans pouvoir la dépasser, des îlots de résistance (monument d’Hurtebise, sucrerie de Cerny) y rendant même précaire leur situation.

Plus au sud, les éléments de gauche des 20e et 6e Corps avaient été entraînés immédiatement dans un combat acharné autour de creutes, d’abris-cavernes et à l’intérieur des bois; Ils ne purent progresser que très lentement et ne dépassèrent pas les premières et deuxièmes lignes allemandes.

A l’ouest, le 1e Corps colonial avait enlevé Laffaux et la ferme Moisy.

Ces combats très durs et les pertes subies fatiguèrent et démunirent l’infanterie; à partir de midi elle était hors d’état d’accomplir un effort sérieux.

Aussi quand, à 13 heures, les tanks débouchèrent sur Juvincourt, ils ne purent entraîner que quelques fractions et arrivèrent sans soutien vers la deuxième position allemande.

Dès lors l’ennemi, à son tour, s’efforça de reprendre le terrain.

Il avait déjà exécuté, pendant toute la matinée, une série de contre-attaques partielles, extrêmement énergiques.

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Dessin de Georges Hautot

Vers 14h30, le 32e Corps d’Armée avait arrêté une violente contre attaque venant de la région de Prouvais; pris sous le feu de notre artillerie lourde, l’ennemi subit des pertes considérables.

Malheureusement, les contre-attaques allemandes réussirent mieux dans la région de Juvincourt et sur la droite, où Berméricourt fut perdu par nous.

De même à la 6e Armée, le 1e Corps colonial était revenu sur ses tranchées de départ à la suite des réactions ennemies.

En somme, malgré que certains résultats obtenus fussent très honorables, les objectifs prévus n’étaient pas atteints. On avait espéré une avance foudroyante; que s’était-il donc passé?

Le général Blondlat, commandant du 2e Corps colonial, l’explique dans son rapport :

« L’influence des circonstances atmosphériques défavorables, dit-il, a été le trait le plus saillant de la période de préparation. Le vent violent, l’atmosphère brumeuse, la pluie et la neige fréquentes ont amoindri, dans une large proportion, le rendement de l’aviation, gêné l’observation aérienne, contrarié les réglages et l’exécution des tirs, empêché le contrôle photographique des destructions. L’activité de l’artillerie s’est trouvée, de ce fait, décousue, saccadée, incomplète. L’infanterie a également souffert des intempéries qui ont rendu très pénibles les travaux sur la position et le stationnement dans les bivouacs, et alourdi les mouvements. Si l’état moral de la troupe avant l’attaque était excellent, ainsi qu’en témoignent les extraits de correspondance, son état physique laissait à désirer.

A l’heure H, les troupes abordent en ordre les premières organisations allemandes. La crête géographique est atteinte presque sans pertes ; le barrage d’artillerie ennemi est peu nourri et présente des lacunes.

Toutefois, notre infanterie s’avance avec une vitesse inférieure aux provisions. Le barrage roulant se déclenche presque immédiatement et s’éloigne progressivement des premières vagues qu’il cesse bientôt de protéger.

Quelques mitrailleuses, qui se sont révélées sur le plateau, n’arrêtent pas l’élan des fantassins qui peuvent descendre le versant nord jusqu’au bord des pentes raides dévalant dans la vallée de l’Ailette.

Là, ils sont accueillis et cloués sur place par le feu meurtrier de nombreuses mitrailleuses qui, postées sur des pentes hors d’atteinte de nos projectiles, sont restées indemnes.

Quelques fractions, utilisant des cheminements incomplètement battus, parviennent à descendre les pentes; mais, d’une manière générale, les vagues subissent en quelques minutes des pertes considérables, particulièrement en cadres, et ne parviennent pas à franchir cette zone meurtrière, s’arrêtent, s’abritent et, sur certains points, refluent sur la dernière tranchée dépassée.

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Dessin de Georges Hautot

Elles sont rejointes par les bataillons de deuxième ligne qui, partis à l’heure fixée, viennent se fondre sur la ligne de combat.

Les bataillons de troisième ligne, conformément au plan de combat, s’avancent à leur tour; quelques-uns peuvent toutefois être arrêtés à temps et occupent les premières tranchées allemandes ou nos tranchées de départ.

En moins d’une heure, le combat s’est stabilisé; toutes les tentatives pour reprendre le mouvement en avant échouent dès que l’on arrive sur la ligne battue par les mitrailleuses ennemies. La progression à la grenade par les boyaux et tranchées est seule possible et se heurte à une résistance de plus en plus vive.

Les réserves ennemies sont, en effet, à peu près intactes ; bien abritées dans les creutes du versant au nord ou dans des abris très profonds, elles n’ont pas souffert du bombardement et la tranchée courant sur le rebord du plateau leur constitue une parallèle de départ commode.

Nos fantassins sont desservis par l’état du terrain détrempé, particulièrement dans la zone bouleversée immédiatement derrière eux ; boyaux et tranchées sont remplis d’une boue gluante qui retarde l’arrivée des ravitaillements en munitions, ralentit singulièrement les mouvements préparatoires aux attaques et ceux nécessités par la remise en ordre des unités, expose de plus en plus les liaisons et les transmissions d’ordres et de renseignements.

De plus, l’artillerie, dans cette journée, ne put donner tout ce qu’on attendait d’elle.

Un barrage roulant devait précéder notre infanterie, réglé comme elle à la vitesse de 100 mètres en trois minutes.

Pour assurer ce barrage pendant toute l’opération, suivant les ordres formels du général Micheler, il fallait procéder à des déplacements d’artillerie et pour cela un certain nombre de batteries avaient été gardées sur roues. Mais les averses de pluie et de neige ne permirent bientôt plus ces déplacements sur un sol détrempé. D’autre part, l’artillerie lourde était insuffisante, ainsi que les lots de munitions qui n’avaient pas été augmentés, malgré l’allongement de la période de préparation.

Enfin, la supériorité de l’aviation allemande fut telle que nos mortiers et certaines batteries de 75 furent constamment survolés et marmités. »

Il en résulta que la 10e Armée ne put entrer en ligne. Armée d’exploitation, elle devait déboucher en fin de rupture, le soir même du 16 avril, sur Monchalon et Vieux-Laon, en traversant les lignes au centre, entre le 2e Corps colonial et le 1 Corps d’Armée

Ses têtes de colonnes franchirent le canal et l’Aisne dès le matin.

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Dessin de Georges Hautot

Le gros se massa en arrière de Merval, attendant pour avancer que la cote 108, à droite, et les positions d’Ailles, d’Hurtebise et de Craonne, au centre, fussent occupées par nos troupes d’assaut.

Apprenant, à 6h55, l’enlèvement de la première ligne ; à 7 heures, celui de la route 44; à 7h55, celui de Cerny-en-Laonnois (64e, 65e RI), le général Duchêne avait ordonné la marche en avant.

L’Armée, pleine d’ardeur et de confiance, était entrée dans la zone de bataille pour achever la victoire ; bientôt elle se heurta aux groupes de plus en plus nombreux de blessés gagnant l’arrière et apportant de mauvaises nouvelles. Comme, vers 10 heures, l’échec du 2e Corps colonial et celui du 1e Corps d’Armée furent confirmés, elle s’arrêta.

Il ne lui sera plus donné de jouer le rôle qu’elle avait assumé .

Dès le premier jour, l’offensive était donc mise en échec!

L’histoire des « chars d’assauts » qui, ce jour, reçurent le baptême du feu, déployèrent un courage héroïque, subirent des pertes énormes et durent abandonner la bataille, est malheureusement une illustration synthétique de cette journée.

Journée du 17 avril.

Contrairement aux grands espoirs conçus, le soir du 16 avril n’avait pas été un soir de victoire; la nuit qui suivit fut particulièrement pénible.

Sur les positions conquises, il n’y avait d’autres abris que ceux, à moitié détruits, des Allemands, et le froid, la grêle et les bourrasques de neige continuaient.

L’évacuation des blessés était difficile. Les munitions manquaient, parce que les hommes partis pour une grande avance, surchargés de plusieurs jours de vivres et de cartouches, s’étaient débarrassés d’un poids trop lourd.

Quant au Commandement, bien que les premiers renseignements recueillis fussent incomplets, parfois contradictoires et souvent tendancieux, il ne pouvait douter du résultat. L’ennemi avait été chassé de ses premières lignes et laissait entre nos mains plusieurs milliers de prisonniers, mais le front n’était pas brisé.

Or, le général Nivelle avait certifié « qu’il serait en état, après les  premières vingt-quatre heures, de décider si l’opération conçue par lui avait réussi ou échoué », et répété « qu’au bout de quarante-huit heures, au maximum, il serait en mesure de décider s’il y avait lieu ou non de continuer », déclarant que « rien n’était pire en de telles circonstances que de s’obstiner et que, sous aucun prétexte, il ne recommencerait la bataille de la Somme »

Mais, d’autre part, une nouvelle action avait été prévue pour le 17 au matin.

La 4e Armée  devait se déclencher à l’est de Reims.

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Le général Anthoine, qui la commandait, débuta par un succès, s’emparant du Cornillet (25e, 27e, 47e,48e, et 270e régiments d’infanterie), du Mont-sans-Nom, de la tranchée de Bethmann-Holweg et du mont Blond (59e,83e,91e,136e régiments d’infanterie soutenu des 4e, 7e,269e régiments d’artillerie), malgré une furieuse résistance de l’ennemi qui lui laissa 2.500 prisonniers.

Le général Nivelle voulut alors tirer parti de la situation en fixant une orientation nouvelle à la bataille.

A 10h30,

il envoya au général Micheler les instructions suivantes :

« 1.. La bataille engagée hier a nettement montré l’intention qu’a l’ennemi de tenir ferme sur le front de la 6e Armée et de rendre, par suite, difficiles et coûteux les progrès de votre Groupe d’Armées vers le nord;

« 2.. C’est donc actuellement vers le nord-est que doit s’axer votre effort en partant de la base qui vous est assurée par les progrès de la 5e Armée;

« 3.. Sur le front de la 6e Armée, bornez-vous à faire terminer et à consolider la conquête des hauteurs sud de l’Ailette, afin d’assurer définitivement notre rétablissement du nord de l’Aisne. »

D’autre part, le général Nivelle mettait trois nouvelles divisions à la disposition du général Pétain, « pour exploiter, le cas échéant, les avances réalisées à la 6e Armée. »

La journée du 17 se terminait ainsi : La 6° Armée avait progressé dans la région de Braye-en-Laonnois (146e,153e,156e régiments d’infanterie soutenu du 39e regiment d’artillerie),, la 5e avait son 1e Corps d’Armée repoussé devant Craonne et contre-attaqué, mais sans succès.

Quant à la 4e qui, malgré une violente bourrasque de pluie, avait débuté par une avance de deux kilomètres, elle voyait son mouvement enrayé à son tour sur ses deux ailes par les mitrailleuses ennemies.

Journées du 18 au 22

Dans les cinq jours qui suivirent, la situation ne se modifia pas d’une façon particulière. Nous assurâmes nos premiers succès.

Le 18 avril, pourtant, la 6′ Armée recevait la récompense de ses efforts et achevait tout d’un coup la conquête du plateau.

Devant elle, l’ennemi battait précipitamment en retraite en y incendiant les villages qu’il évacuait Vailly, Aizy,Sancy et Jouy.

Le fort de Condé, abandonné, était repris.

Quant à la 5e Armée, elle ne progressait point, mais brisait une forte contre attaque qui lui laissait 1600 prisonniers et 24 canons.

La 4e Armée, réduisant quelques îlots de résistance, s’avançait au mont Haut et au mont Téton.

Le 19, la 6° Armée affirme son succès, enlève le monument d’Hurtebise et lutte pour l’occupation de la sucrerie de Cerny.

La 5e Armée ne voit pas ses tentatives couronnées de succès, sauf sur Berméricourt.

La 4° Armée occupe le mont Blanc, le Téton, le village d’Auberive (126e RI) et progresse dans la direction de Laigue.

Le 20, la 6e Armée se maintient sur ses positions conquises, la 5e Armée voit encore une de ses attaques échouer, et la 10e a du mal à tenir tête aux contre-attaques.

Le 21 avril, nous bordions au nord de l’Aisne, de Laffaux à Braye -en-Laonnois, la ligne Hindenburg sur laquelle l’ennemi s’était finalement replié, laissant entre nos mains, après cinq jours de lutte, 21604 prisonniers, 183 canons et 412 mitrailleuses.

Malgré cela, les Allemands ne se tenaient pas pour battus

Or, après sept jours, non seulement la brèche n’était pas ouverte, mais la continuation du mouvement vers le nord-est était devenue périlleuse, notre flanc droit risquant de se trouver à découvert.

Néanmoins, le Généralissime français décida de continuer. D’ailleurs, le maréchal Haig partageait sa manière de voir.

Le 21 au soir, le général Nivelle adressait la note suivante au général Wilson, chef de la mission militaire anglaise au Grand Quartier Général

Aucun arrêt des opérations n’est à envisager. Elles seront reprises à des dates très rapprochées.

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Rôle des Armées britanniques

Profiter des opérations engagées sur le front français pour augmenter l’ampleur des attaques et viser des objectifs plus éloignés. La collaboration anglaise à notre offensive commune ne sera, en effet, réellement efficace que si son action s’exerce sur une profondeur suffisante pour menacer sérieusement l’adversaire, et l’obliger à engager des réserves importantes.

Prononcer l’effort principal dans la région sud et sud-est de Quéant, de manière à faire tomber par une attaque de revers la ligne Quéant-Drocourt et à pouvoir progresser sans retard en directions de Cambrai et Douai.

Deux jours après, les intentions du Commandement s’affirmaient encore davantage, et les ordres suivants étaient envoyés aux commandants de Groupes d’Armées, et au général commandant la 1e Armée.

Le but des opérations est :

1e De dégager Reims par une attaque combinée des 4e et 5e Armées;

  1. a) La 5e Armée est chargée d’enlever les hauteurs de Sapigneul, du mont Spin et de Brimont.
  2. b) La 4e Armée dégagera, vers le nord et le nord-ouest, les sommets conquis des hauteurs de Moronvilliers, du Téton et du Mont Haut (9e, 11e, 20e ,115e, 117e ,217e ,317e, 358e régiment d’infanterie aidés des 18e, 31e,et 262e régiment d’artillerie)

2e De compléter l’occupation du plateau du Chemin-des-Dames, par une opération combinée des 6e et 1 e Armées.

  1. a) La 10e Armée devra s’emparer de la crête militaire septentrionale et orientale des plateaux de Craonne, Californie et Vauclerc (43e, 127e, 327e, régiment d’infanterie), ainsi que des avancées de cette crête  jusqu’aux entrées des abris.
  2. b) Elle enlèvera ensuite la première position allemande, entre le boyau Persan et le bois de Chevreux, en étendant l’attaque jusqu’à la conquête de la ligne générale, tranchées du Marteau et de l’Enclume, de manière à avoir une base de départ ultérieure pour l’attaque du front Corbény-Juvincourt.
  3. c) La 6e Armée prononcera une action sur l’ensemble du Chemin-des-Dames ».

En résumé, le plan primitif subissait les variantes rendues nécessaires par les circonstances: Poussée vers le nord-est avec couverture du flanc menacé et coopération plus large des Anglais pour attirer au nord une bonne partie des réserves ennemies.

L’offensive continuait, mais il n’était plus question de rupture.

L’affaire politique de  BRIMONT

Au moment où le général Nivelle donnait ces ordres pour la reprise de la bataille, il avait à faire face à des attaques venant de l’arrière et à se dépêtrer d’intrigues et d’embûches où l’on s’efforçait de le faire tomber.

Leur premier résultat fut d’obliger le Généralissime à des voyages fréquents à Paris : « Dans une période de vingt-deux jours, dira-t-il, j’ai passé douze jours hors de mon Quartier Général; et sur ces douze absences, neuf, les trois quarts, sont uniquement dues à l’intervention du Gouvernement »

On n’avait pu empêcher l’offensive, il fallait maintenant réussir au moins à l’arrêter. Mais on continua d’employer contre elle les mêmes moyens; et alors qu’ il aurait suffi de prendre une décision, si on la jugeait nécessaire, on tergiversa en essayant de faire buter celui qu’on n’osait pas jeter à terre

Le 22 avril, un jeune député, M. Ybarnégaray,qui appartenait depuis peu à l’état-major du 18e Corps d’Armée, profitant du droit que les Parlementaires s’étaient arrogé d’être à la fois soldat et député, vint directement trouver le Président de la République.

Il l’avertit qu’on se préparait à recommencer l’opération coûteuse qui n’avait qu’à demi-réussi le 16 avril, et se prétendit l’interprète des officiers et des soldats, en demandant au chef de l’État d’intervenir auprès du Haut Commandement pour faire différer cette attaque.

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  1. Poincaré, persuadé par l’éloquence de ce témoin, et ne pouvant en référer avec le ministre de la Guerre, en mission sur le front, prit sur lui, vu l’urgence, de faire téléphoner au Grand Quartier Général, ce message :

« Le Président de la République a été très ému par des exécutants qui considèrent comme tout à fait prématurée et comme impossible à la date fixée, la reprise des attaques sur Craonne et sur Vauclerc. La préparation d’artillerie serait insuffisante. La dotation en munitions est faible. Il faudrait plusieurs jours de préparation intensive. Sinon, on recommencera ce qui s’est passé à la première attaque. On perdra beaucoup de monde.

« Il conviendrait d’interroger non seulement le général Duchêne, mais le général Hirschauer ».

Le général Nivelle répondit aussitôt; et après avoir déclaré qu’aucune date n’était fixée ni aucun ordre donné, et que les généraux responsables avaient, au contraire, toute latitude pour agir seulement au bon moment, il ajouta :

« Le Général commandant en chef ne peut qu’exprimer sa douloureuse surprise que des racontars, nullement autorisés et sans aucun fondement, trouvent créance auprès du Président de la République. Il n’est pas possible d’exercer un commandement dans de pareilles conditions.

« Je demande que les exécutants qui se sont livrés à ces écarts de langage, qui détruisent toute discipline dans l’Armée, soient l’objet d’une sanction exemplaire. »

Le général Nivelle ayant fait son enquête et vu personnellement les généraux mis en cause, pouvait, dans une nouvelle communication, remettre les choses au point:

« Les trois généraux intéressés dans l’opération à achever sur le plateau du Chemin des Dames (généraux Duchêne, Hirschauer et Mangin), déclarent sur l’honneur qu’ils n’ont jamais reçu ni donné aucun ordre concernant la date de l’opération, fait aucune plainte au sujet de l’insuffisance des munitions, leurs demandes ayant toujours été satisfaites à cet égard.

« Ils étudient et préparent l’opération combinée, comme ils l’ont toujours fait, à Verdun notamment, la date étant toujours fixée par le dernier prêt.

« Il n’est pas besoin d’ajouter qu’ils ont été navrés à en pleurer des faits qui leur ont été signalés, de la répercussion qu’ils ne manqueraient pas d’avoir sur l’état moral de leurs troupes qui puisent une certitude plus grande de la victoire dans celle qu’ils viennent de remporter. De l’aveu de tous les généraux, le moral, aussi bien au front que parmi les blessés des ambulances, est nettement supérieur à ce qu’il était avant l’attaque.

«Le Général commandant en chef insiste sur la nécessité qui s’impose d’infliger un châtiment exemplaire aux auteurs de ces bruits calomnieux, tendant à déprimer le moral et à semer la panique.»

L’affaire en resta là, du moins quant aux conséquences immédiates, car si personne ne fut puni ni même blâmé, nous verrons plus tard combien étaient justes les vues du général Nivelle sur l’influence démoralisante de cette manière d’agir.

L’hostilité était flagrante. Un conflit allait éclater entre le Généralissime et le ministre de la Guerre.

Le 25 avril, M. Painlevé, de retour d’un voyage sur le front, convoqua le général Nivelle à l’Élysée, dans le cabinet du président de la République, où se trouvaient aussi le Président du Conseil, M. Ribot, et l’amiral Lacaze.

Le plan du Commandant en chef fut l’objet de la discussion, et celui-ci fit un exposé des nouvelles offensives en préparation.

« On m’a dit que Brimont tout seul coûterait 60.000 hommes, interrompit M. Painlevé…

– Qui, on ? riposta le général. Les renseignements n’ont de valeur que s’ils viennent d’une source autorisée.

-Les miens ont une source très sérieuse, répondit le ministre, mais je ne peux pas vous l’indiquer. »

Dans son dernier voyage aux Armées, M. Painlevé avait eu une conversation avec le général Mazel ; et, sans doute, dans la crainte de nouvelles pertes, hanté par son idée, le ministre comprit mal les réponses du général.

A sa demande : « Quels effectifs sont nécessaires pour l’affaire projetée au sud de l’Aisne?»

il lui fut répondu : « Un Corps d’Armée sur Brimont, un autre sur le Mont Spin, cela fait en gros 60.000 hommes. »

Le malentendu était manifeste, mais aucune résolution ne fut arrêtée, aucune décision prise et la situation demeura trouble.

Les jours suivants, d’une part, le Gouvernement interrogea le maréchal Douglas Haig, dont l’avis fut qu’il fallait absolument continuer la bataille sous peine de perdre le fruit des efforts et des sacrifices antérieurs et de donner à l’ennemi le temps de se redresser ; d’autre part, le général Nivelle, défavorablement impressionné, dut reprendre ses enquêtes et visiter à nouveau, l’un après l’autre tous ses généraux.

Ayant reçu de chacun d’eux les explications nécessaires et l’affirmation de leur espoir dans le succès, l’attaque fut décidée et sa date fixée au 1e mai, « mais pouvant en cas de besoin, et à la demande des divisionnaires, être reculée ».

La préparation d’artillerie commença le 28; le général Micheler devait fixer l’heure de l’attaque d’infanterie…

Le 29 avril, à cinq heures du soir, un coup de téléphone du Ministère enjoignait au Grand Quartier Général de surseoir à l’attaque, « puisqu’elle pouvait être retardée sans inconvénient et parce que le Gouvernement était insuffisamment éclairé sur les risques et pertes possibles entraînés par l’opération. »

En même temps, le Généralissime apprenait la nomination, comme chef d’état-major général, du général Pétain, avec lequel il devait s’entretenir de cette attaque avant de la déclencher.

A cette entrevue du 30 avril, l’attaque prévue fut décidée », mais en en détachant ce qui concernait Brimont ».

C’était le coup de grâce, car l’opération devenait inutile. Supprimer l’attaque de Brimont, c’était abandonner le dégagement de Reims.

Le 1e mai, le général Micheler fut prévenu que l’attaque de la 5e Armée serait limitée à l’enlèvement des hauteurs du mont Sapigneul et du mont Spin.

Reprise et arrêt définitif de l’offensive.

Le 4 mai, le général Nivelle, fort des idées offensives émises la veille par les Gouvernements, fit reprendre la bataille.

Ce jour-là, la 10e Armée enleva Craonne dans un assaut magnifique, puis essaya d’aborder le plateau de Californie.(18e,32e, 34e, 49e, 218e RI et 14e RAC)

La 5e Armée, déployée à 6h30 du matin, enfonça la première ligne ennemie, mais dut ensuite reculer. Le soir, cependant, elle conservait une partie de sa conquête , le Mont Spin (51e, 87e, 128e ,272e RI)

La 4e Armée, de son côté, avait progressé sur les pentes du mont Blond et du Cornillet par le 1e regiment de zouaves et 2e régiment mixte qui finirons de l’investir définitivement le 14 mai

Le lendemain 5 mai, la 10e Armée, attaquant de nouveau avec le même élan, achevait la conquête du plateau, atteignait les crêtes dominant la vallée de l’Ailette et faisait 7.000 prisonniers. La 4e Armée, après une lutte pénible, réussissait à s’emparer du mont Blond. Enfin, la 6e Armée, sous le commandement du général Maistre, (remplaçant le général Mangin, renvoyé à l’intérieur comme victime expiatoire), entrait dans la lutte.

Avec le secours des chars d’assaut (31 chars, sous les ordres du commandant Lefebvre, accompagnés par le 17e bataillon de chasseurs à pied) qui surent profiter des expériences précédentes et agirent espacés, de façon à pouvoir évoluer sans se gêner et sans offrir une cible trop facile au canon ennemi, elle remporta un véritable succès.

La ligne Mont des Singes-ferme de Moisy-moulin de Laffaux-tranchées du Panthéon-Épine de Chevrigny-ferme Froidemont attestait son entrain.

Les jours suivants 5 au 10 mai, nos positions furent maintenues, malgré de nombreuses et fortes contre attaques dans la région de Laffaux, aux abords de la ferme Froidemont, au nord de Braye à Verneuil (37e et 79e RI) et sur le front de la Bovelle.

Puis, après ce dernier effort, l’offensive cessa…

Les résultats en étaient divers.

Les gains obtenus étaient importants, bien qu’ils ne le parussent pas suffisamment tant on les avait espérés supérieurs:

Conquête des premières positions et d’une partie des secondes lignes, des plateaux de Craonne et de Vauclerc, où l’ennemi avait eu l’ordre de tenir jusqu’au bout.

Sur 12 kilomètres le long de l’Aisne, de Soupir à Missy-sur-Aisne, notre ligne, placée au sud de la rivière, était avancée de 6 à 7 kilomètres; le fort de Condé qui domine les vallées de l’Aisne et de la Vesle, les villages de Chivy, Braye-en-Laonnois, Ortel, Chavonne, Vailly, Celles, Condé-sur-Aisne, Laffaux, Nanteuil-la-Fosse, Saucy, Jouy, Aizy étaient tombés entre nos mains.

La voie ferrée de Soissons à Reims se trouvait dégagée. Les observatoires que l’ennemi possédait sur la vallée de l’Aisne nous appartenaient, ainsi que d’autres sur le Chemin-des-Dames, nous donnant des vues dans la vallée de l’Ailette et au delà.

Nous avions enlevé 40.000 prisonniers, 500 canons et un millier de mitrailleuses.

Il en résultait une usure de l’Armée allemande assez considérable puisque, des cinquante-deux divisions disponibles et fraîches avant le 16 avril, il n’en restait plus que 12 le 25 avril. « Dès le premier jour de mai, dit le général Nivelle (4 mai), toutes les divisions allemandes disponibles avaient été engagées dans la bataille… Les Allemands étaient désormais hors d’état d’entreprendre une action de quelque importance sur un front quelconque en Europe, pourvu que nous ne relâchions pas complètement notre étreinte. »

A l’intérieur de l’Empire, un grand découragement naissait: les Allemands avaient l’impression que, devant Arras et l’Aisne, leurs Armées venaient de subir de graves échecs. Les pertes avaient été très élevées. Plusieurs grands chefs allemands avaient été relevés de leur commandement. La ration de pain avait été réduite. Des troubles éclataient à Berlin; et, dans les centres industriels, des grèves menaçaient.

Le bilan

L’arrêt de l’offensive eut pour conséquence naturelle de modifier cet état de choses, et nous en perdîmes ainsi tous les avantages, laissant à notre tour le découragement pénétrer parmi nous.

Déjà, les premières désillusions avaient causé un déséquilibre tel que les bruits les plus tendancieux pouvaient se propager à l’aise. On en constata les inconvénients dans la question des pertes qui eut tant d’influence sur les décisions gouvernementales.

Quelle qu’en ait été l’origine, il est certain que des statistiques inexactes furent répandues et causèrent un incontestable trouble. Aucune voix autorisée ne vint les démentir. Les imaginations se laissèrent gagner, on parla de tueries, de massacres, et le général Mangin y perdit son commandement.

Pourtant, ces pertes étaient proportionnellement moins fortes que celles des autres offensives. Celle-là, exécutée sur un front de 30 kilomètres, entraîna la mise hors de combat de 108.000 hommes. Celle de Champagne, en 1915, sur un front de 40 kilomètres, avait coûté 128.000 hommes.

La 5e Armée (Mazel) avec 16 divisions d’infanterie engagées, avait perdu 49.526 hommes; la 6e Armée (Mangin), avec 17 divisions d’infanterie, 30.296 hommes ; la 10e Armée (Duchêne), avec 9 divisions d’infanterie, 4.849 hommes ; la 4e Armée (Anthoine), engagée partiellement, 21697 hommes, et là 3e Armée (Humbert), qui ne fit qu’une démonstration, 1486 hommes.

A partir de mai, l’armée française traverse une grave crise qui engendre des mutineries. Les généraux NIVELLE et MANGIN sont limogés.

Le général PETAIN prend le commandement le  17 mai. Il commence par mettre en place des mesures d’apaisement et prépare avec minutie une offensive limitée dans le secteur ouest du Chemin des Dames autour du Fort de La Malmaison.

Lancée en octobre 1917, cette opération est un succès. Les Allemands sont obligés de se replier au nord du Chemin des Dames, dans la vallée de l’Ailette. Les troupes françaises retrouvent la confiance.

Une conséquence, plus désastreuse encore et qui aurait pu nous être funeste, ce fut l’indiscipline.

Les mutineries, qui avaient commencé au début de mai et que les opérations actives avaient arrêtées, reprirent de plus belle.

Des compagnies, des bataillons, voire des divisions, refusèrent de monter aux tranchées, et quelques-unes prirent le chemin de Paris. Le retour à la discipline allait être la première tâche qui s’imposerait au nouveau Généralissime.

Le général Pétain sut y exceller.

Donc, cette fameuse offensive produisit des résultats positifs appréciables. Et pourtant ceux-ci eurent des conséquences morales déplorables. La faute en fut surtout aux campagnes sournoises qui entourèrent cette offensive et qui créèrent dans le pays un état d’esprit où dominaient les théories pacifistes et les solutions défaitistes.

Enfin cette offensive, voulue pour des raisons politiques et arrêtée pour d’autres raisons politiques, ne pouvait se passer d’un dénouement politique.

Elle l’eut sous la forme d’un comité secret qui se tint au Palais-Bourbon pendant sept jours (fin juin-début juillet 1917); les interpellations et les ordres du jour au nombre d’une quinzaine disent assez avec quelle violence on discuta « de la politique de guerre que commandaient les récents événements politiques et militaires », de « la façon dont avaient été préparées, décidées et conduites les dernières opérations », et « des mesures prises pour mettre à profit les enseignements de la guerre actuelle et l’emploi des engins nouveaux».

A cette occasion, on rappela toutes les légendes, toutes les désillusions, on fit revivre tous les racontars et les haines, les jalousies, les animosités personnelles…

Le Gouvernement, qui n’était déjà plus très solide, s’associa aux critiques dirigées contre l’opération, quoi qu’il eût eu sa part des responsabilités. Il déclarait pourtant : « Nous finirions vraiment par nous persuader à nous-mêmes que ces journées ont marqué un échec pour nos armes, alors qu’en réalité elles ont été un succès, payé cher il est vrai, mais néanmoins glorieux. »

En 1914 Louis Autrive avait 20 ans !

Philippe AUTRIVE

11 novembre 2005

Louis, Augustin AUTRIVE

4 décembre 1894 – 19 Octobre 1968

Un jeune homme de 20 ans dans les tranchées

de la guerre de 14-18

louis Autrive

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Auguste Autrive :

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Eugène Autrive:

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Achille Autrive:

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par Philippe Autrive le 11 novembre 2005