Jules Renaudin dit « Valentin le Désossé »
1843 – 1907
Valentin le Désossé, de son vrai nom Jules Étienne Edme Renaudin
(Paris, 26 février 1843 - Sceaux, 4 mars 1907), fut un danseur et contorsionniste français célèbre.
Fils d'un avocat de Sceaux, il fut d'abord négociant en vins, puis se produisit au Tivoli-Vauxhall de Paris avant
de devenir maître de ballet au Valentino, au Bal Mabille puis à l'Élysée-Montmartre. Il passa au Bal de la Reine blanche, puis au Moulin Rouge où il fut le partenaire de la Goulue de 1890 à 1895.
Toulouse-Lautrec l'immortalisa au côté de la Goulue. Sa vie inspira une pièce de Claude-André Puget, Valentin
le désossé, créée en 1932 au Théâtre Michel à Paris, avec pour interprète de son personnage Pierre Fresnay.
La pièce fut diffusée en téléfilm en 1964.
Valentin le Désossé apparaît également dans les films Moulin Rouge (1952), French Cancan (Philippe Clay, sous le nom
de Casimir le Serpentin, 1954) et Lautrec (1998).
C'est une affection du syndrome d'Ehlers-Danlos qui lui valut son surnom de « désossé ».
Le dimanche 6 octobre 188, le Moulin Rouge créé par Joseph Oller et Charles Zidler ouvre ses portes. Il ne s'agissait pas d'un
lieu de plaisirs comme tant d'autres à Montmartre.
Négociant en vins dans la rue Coquillère, issu d’une famille de notables de Sceaux (son père est notaire), c’est
la nuit qu’appartient ce danseur passionné. Ce véritable contorsionniste se produisait pour son plaisir au
Tivoli Vauxhall, puis il devint maître de ballet au Valentino, chez Mabille, à l’Elysée-Montmartre et présenta
des spectacles aux côtés de la Goulue au Moulin-Rouge, où il remporta d’immenses succès. C’était également
un cavalier enthousiaste.
L'emplacement a été choisi avec attention :
Alentours de
au Moulin de
Un public, bourgeois, financièrement aisé à la recherche d'émotions fortes et de plaisirs passera devant et par
le Moulin Rouge..
Le triomphe est immédiat : le tout Paris, la haute société, les artistes, peintres et écrivains, de renoms ou
pas, viennent découvrir le quadrille naturaliste ou réaliste, appelé plus tard french cancan et s’encanailler.
Les plus illustres danseuses de cette époque montent sur la scène du Moulin Rouge. D’abord
gouaille dont la réputation n’est plus à faire, Jane Avril,
encore Yvette Guilbert.
Le danseur se nomme Valentin le Désossé, appelé l’Homme du Quadrille. Il est grand et très maigre,
impassible dans sa redingote noire, toujours coiffé d’un haut de forme penché en avant, n’avait pas son pareil
pour initier et faire danser les filles. Valentin le Désossé et
Il dansait, sautait et exécutait le grand écart sans accepter la moindre somme d’argent : « C’était pour mon plaisir ! » Disait-il.
L'endroit représente un moulin peint en rouge, aux ailes animées, avec une meunière regardant par une ouverture et un
meunier penchant la tête par une autre fenêtre. Mais la grande époque du cancan prend fin en 1892 .
Cet homme est un mystère, dira t’on. Jules Renaudin d'après l'état civil, avait tenu un débit de vins rue Coquillère puis, exproprié,
il s’occupait des encaissements de son frère, notaire à Sceaux, mais nous y reviendrons.
Il mène dans la journée une existence d'un homme tout à fait convenable. Quand tombe le soir, il traverse Paris et se rend
au Moulin Rouge.
Son physique prête certes à rire mais les filles du quadrille le portent en triomphe tous les soirs. Frisant la quarantaine, il est
connu de tous les bals publics de Paris, comme le roi de la valse. Par goût, depuis 1860, il a dansé dans tous les bals
parisiens, des plus populaires aux plus chics, du Trivoli vauxhall, du Moulin de
" Parmi les habitués de Mabille, j'ai remarqué un curieux personnage, long, long, long en jambes, en bras, et en cou, en doigts.
Il a des allures de flamant rose dégingandé. Maigre comme un clou, un chapeau haut de forme canaille, penché sur le côté,
un habit bleau ciel et prune et sa chemise blanche impeccablement empesée. Il appartient clairement à un autre monde que
celui des chicards, ces gros négociants en cuir et en fourrures vêtues de bric et de broc, dans des tons multicolores.
C'est un maître de ballet, encore un employé des sieurs Mabille. Il a pour charge de jouer le galent cavalier de ces dames
venues distraire leur solitude et leur ennui aux accords de l'orchestre de Métra... Lorsque le Maître de ballet leur tend la main
les en étouffer".
Ca c'est Cancan - Editions SOLAR par Fabienne TSAI - Octobre 2004.
On s'interroge sur cet homme qui frise la cinquantaine : il ressemble à un acrobate mal nourri, toujours vêtu d'une redingote
noire, d'un pantalon jaune et coiffé d'un haut de forme cabossé et luisant.
A la fin du second empire, au Casino Cadet et il n’est pas peu fier d’avoir été surnommé le Désossé par Mermeix dans le
journal «
Il s’était fait graver deux cartes de visite différentes. Sur la première, on lisait : « Valentin le Désossé, ex-premier danseur des
bals de Mabille », et sur la seconde : « M. Renaudin, propriétaire, avenue de
Valentin Le Désossé remerciera toujours les journalistes en adressant le petit mot suivant:
«J'ai l'habitude, quand un journaliste me fait l'honneur de publier quelques lignes en ma faveur, de lui envoyer mes
remerciements les plus sincères. Agréez, monsieur, mes civilités respectueuses."
Son menton en galoche, son nez de polichinelle, sa bouche mince ont été immortalisés par Lautrec. " Aux côtés de la Goulue
on remarque son partenaire masculin, Valentin le Désossé. Son haut de forme verdâtre, son frac élimé et luisant, son triste
mégot au coin des lèvres sont transfigurés sitôt qu'il se lève pour danser. Sa longue silhouette maigre et élastique est bien
au service de l'amour de la dance.
Ca c'est Cancan - Edtions SOLAR par Fabinne TSAI - Octobre 2004.
Valentin le Désossé, opposera le détachement, le flegme et la froideur à la sensibilité de la danseuse. Henri de
Toulouse-Lautrec saisira la funèbre attitude de Valentin le Désossé devenu le faire-valoir de
Rouge.
« La prodigieuse agilité de son pied et la variété d’attitudes dont il savait orner une valse au point de la transformer en
véritable symphonie des langueurs amoureuses » Rodrigues 1882.
Mais sans doute à cette époque, aime t’il, avant tout soigner les fleurs de
1929 dans la misère !
http://www.wat.tv/video/goulue-1fohy_2gh7d_.html
Quand il danse au Moulin Rouge avec
« Ce sont deux grands artistes. Elle tourne, que dis-je ?
Elle tourbillonne autour de lui avec une rapidité si vertigineuse – et si aisée ; il la soutient, il la guide dans un
caprice de pas sans cesse rompus et entrecroisés, avec une si impeccable sûreté ; l’harmonie de
leurs mouvements est si parfaite que, si vous espérez jamais voir une grâce plus précise unie à une force plus souple…, inutile
de chercher, vous ne trouverez pas… »
Avec sa silhouette longiligne et son extraordinaire souplesse, Valentin-Le-Désossé était l’un des piliers des
nuits parisienne.
Leur “Valse 1900“ et leur “Polka endiablée“ firent accourir le “Tout Paris“.
Le 28 décembre 1902, pour la fermeture du Moulin Rouge, une petite fête est donnée sur invitation, ce sera la dernière. Ce soir
là, le quadrille disparu véritablement. Quelques survivantes étaient venues dire adieu au théâtre : Jane Avril, Grille d’Egout,
Valentin le Désossé promenait avec tristesse sa longue silhouette, mâchonnant son éternel cigare d’un sou :
« Aujourd’hui, ce n’est pas un jour ordinaire. Je tiens à remercier tous les contrôleurs, tout le personnel, patrons et employés,
et surtout toutes ces femmes qui ont couru après moi pendant de si longues années » Valentin le Désossé.
Puis il disparaît. Plus personne n'a de ses nouvelles et les rumeurs vont bon train : On dit qu'il a ouvert un bistrot, on assurent
qu'il a travaillé comme ouvrier dans une fabrique d'ascenseurs. Bref, nul ne sut jamais ce qu'il devint mais il passa à la
Ferté Alais... (1843-1907).
La grande guerre fera oublier cette époque, et ce n’est qu’au cours des années 1930 que l’on commencera à se souvenir de
la « Belle Époque ». Alice Cocéa, fait son retour sur scène en interprétant la pièce « Valentin le Désossé », au théâtre Michel.
Dans la famille Renaudin, Il y a d’abord le père, Hugues Edme RENAUDIN, né en 18O6 à Sauvigny-le-Bois, près d’Avallon.
Il monte à Paris et s’installe comme marchand de vin à
Hugues Auguste RENAUDIN de son mariage avec Marguerite CHAUSSE, de 15 ans sa cadette, née le 22 février 1822 à
Marguerite CHAUSSE a toujours gardé pour le village de la Ferté alais une grande tendresse si bien que son fils, Notaire
fortuné, selon les volontés de sa mère procédera à un leg le 4 novembre 1900 qui sera reçu par la ville lors de la séance du
Conseil Municipal du 6 avril 1914:
Marguerite devra élever seule ses deux fils, Edmé Jules RENAUDIN, dit « Valentin le Désossé » né en 1843, le second,
Hugues âgé de 9 ans, lorsque son mari est frappé et décède d’une crise d’épilepsie au cours de l’année 1852.
Marguerite RENAUDIN, née CHAUSSE élèvera ses deux fils dans le respect des valeurs. C’est Maître RENAUDIN lui-même
qui reconnaît que les deux frères ont été élevés « dans les principes de cœur, de bonté et de sentiments… »
Hugues, le second fils, abandonnera le négoce de vins, fera son droit, et entré dans l’étude d’un notaire de Paris, il devient
le premier clerc, puis Notaire. Marguerite RENAUDIN a vendu le commerce de vins et demeure avec Jules sur la rive gauche à
Jules Renaudin décède en célibataire le 4 mars 1902 à Sceaux au domicile de son frère, Notaire et Officier de
d’Honneur qui demeure alors 5, rue des Écoles.
Valentin le Désossé a toujours porté le deuil de sa " Rosalie", sa fiancée.
La famille Renaudin sera grandement généreuse tant à Sceaux qu’à Clamart, où de nombreuses rues portent le nom de
Marguerite Renaudin. Par ailleurs, Me Renaudin, propriétaire d’un terrain, fait bâtir en 1895 à Sceaux, par l’architecte
Jacques Lequeux, l’hospice sainte-Marguerite en souvenir de Marguerite Renaudin.
Le Roi des valseurs SOUVENIRS D’ANTAN.
"Les journaux sans plus de commentaires, publiaient, à la fin d'avril de 1907, la note nécrologique suivante :
« Valentin-le-Désossé, ce danseur fameux d’une autre époque, dont la gloire spéciale eut de l'écho jusqu'aux confins des mondes civilisés, vient de mourir à Sceaux."
« Il, fut une physionomie curieuse moins pour son agilité remarquable qu'en raison de la double personnalité qu'il incarnait.
« Valentin-le-Désossé, s'appelait, en effet, Jules Renaudin, et il était le fils de fort honorables et
sérieux commerçants qui exploitèrent longtemps à Paris un commerce de vins.
« Il fut une physionomie sympathique acrobate émérite, ingénieux caricaturiste pour ainsi dire de la danse, créateur d'une chorégraphie spéciale, cet habitué nocturne des lieux de plaisir devenait au jour, un commerçant laborieux,consciencieux, prévoyant.
« Au dire de ceux qui l'ont connu, « il s'amusa » honnêtement, joyeusement; il ne fut jamais un professionnel.
« Etoile, autrefois, des "la Goulue, des Vif-Argent, des Grille-d'Egout, des Nini-Patte-en-l'Air", Jules Renaudin est mort en brave homme comme il avait vécu, connu sous le tendre nom de « Grand-Père » que gentiment lui donnaient les bambins de Sceaux. » Trainant, cette curieuse figure, ce grand cadavre ambulant que l'on affirmait originaire de la savoie, au bal Mabille au lendemain de la guerre, Il méritait mieux que ces courtes notes, car il fut pendant plusieurs années l'un des meubles vivants les plus curieux des bals publics de Paris.
Grand, maigre, osseux, rasé, blafard et blême, la tête en forme de rasoir et anguleuse comme un Rochefort maigre, si J'ose dire, il était en effet fort souple et était l'un des exécutants, sinon des inventeurs, les plus épatants de cette fameuse valse tourbillonnante, qui, faisait l'admiration des étrangers et des étudiants fraîchement débarqués de leur province.
Au bout de deux minutes, les jambes écartées, il arrivait que sa danseuse valsait entre ses jambes et comme de l'autre côté, à tel point que l'on se pouvait se demander comment ils pouvaient bien faire pour arriver à tourner et à se tenir en équilibre. Cependant, après un dernier tourbillon, il remettait sa danseuse en place de ses larges mains osseuses et s’arrêtait comme si de rien n'était aux applaudissements de la foule.
C'est surtout dans la fameuse nuit du Grand Prix de Paris à Mabille, sur le rond de parquet légendaire, sous les palmiers de zinc, que Valentin-le-Désossé remportait son plus grand succès avec ses partenaires favorites. Tandis qu'il valsait, les Anglais, dans les boxes du fond se collaient des cuites consciencieuses de champagne, soit pour noyer le chagrin de la défaite, soit pour célébrer leur victoire, et cette nuit-là, les voitures circulaient tard dans l'avenue Montaigne.
Rien n'était curieux, vivant, grouillant, amusant comme ce coin du parc, moitié naturel, moitié artificiel pendant une soirée du Grand Prix.
En temps ordinaire, c'était plus calme. D'ailleurs, tout Paris, et surtout la province et l'étranger allaient faire un tour à Mabille, et les jeunes mariés du dehors y venaient toujours passer une soirée pendant leur voyage de noces. J'en ai bien conduit ainsi, des plus comme il faut, des plus braves, comme l'on dit dans le midi, des jeunes ménages de mes amis ou de mes parents, et la stupéfaction de la jeune mariée était bien la chose la plus réjouissante du monde. D'ailleurs, relativement, il y avait à Mabille, infiniment plus de tenue qu'à la Closerie des Lilas; c'était plus chic. Je n'oserais pas dire plus collet monté en parlant d'un bal public où les étoiles avaient aussi pour habitude de se décolleter même par en bas.
Un soir de Grand Prix, comme j' étais en train de faire cercle comme tout le monde autour de Valentin le-Désossé et une Goulue quelconque en fumant un cigare, je vis tout à coup à côté de moi Arsène Houssaye qui flânait là avec un ami, car il avait un faible pour Mabille qui lui fournissait parfois des types curieux pour ses romans. La valse finie, nous nous mîmes à causer et comme je lui demandais je ne sais plus quelle lettre d'introduction auprès de je ne sais quel directeur d'un grand journal, il me répondit vaguement et puis se ravisant Pourquoi diable aussi cette manie d'écrire, de vouloir être homme de lettres, journaliste, quand il est si simple d'être épicier ?
C'était au lendemain de la guerre, j' étais encore jeune, très jeune même, mais enfin je fus piqué au jeu et le plus naturellement du monde: Mais, mon cher monsieur Houssaye, je pourrais vous poser la même question pourquoi n' êtes-vous pas resté meunier comme votre père ? '0 Ça n'est plus la même chose. Évidemment, puisque mon père, à moi, est un écrivain connu.
Et nous nous séparâmes tout de même les meilleurs amis du monde, car à Paris tout un chacun a le caractère bien fait et légèrement sceptique dans nos milieux littéraires.
A cette époque Arsène Houssaye, avec sa belle barbe blonde fortement grisonnante, était encore superbe. Depuis il est mort, son fils est depuis longtemps de l'Académie et, nous avons tous plus ou moins fait notre chemin dans la grande mêlée littéraire.
C'est toujours un plaisir et une tristesse douce et mélancolique d' énumérer ses souvenirs d'antan et vraiment dans ce diable de Paris il est toujours amusant de voir comment l'on commence un chapitre sur Valentin-le-Désossé et comment on le termine en parlant d'Arsène Houssaye, un des écrivains mondains les plus fins et qui a le mieux connu les femmes, de l'Empire et du commencement de la troisième République La génération présente ne le lit plus guère et elle a tort, car il nous a laissé des portraits, à fleur de peau si l' on veut, mais tous fidèles, très ressemblants et très suggestifs des femmes du monde de l’Empire, d' un monde très licencieux souvent et toujours avide de plaisir et de passions faciles.
Aujourd'hui, les bals publics ont disparu, Valentin-le-Désossé vient de s'éteindre dans la peau d'un vieux bourgeois, l'auto, la terrible auto a tout remplacé, tout fauché et parfois je me demande si l'on ne savait pas mieux s'amuser autrefois. 0 Mais je m'arrête; on dirait que je vieillis et comme Arsène Houssaye, je veux rester toujours jeune de cœur tout au moins."
Paul théodore-Vibert -1907
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